Le poche à ne pas manquer !
Le convoi de l'eau de Akira Yoshimura
trad. du japonais
éd. Babel / Actes Sud 6.50€
Longtemps ignoré du monde, un hameau s’apprête à être englouti par la construction d’un barrage. Yoshimura nous offre un roman d’une beauté et d’une mélancolie sidérantes.
Parce qu’il a tué sa femme adultère à grands coups de bûche, le narrateur de cette histoire a passé de longues années en prison. Et parce qu’au sortir de celle-ci, sa haine est intacte et qu’il sent en lui le désir violent de faire subir à l’amant le même sort qu’à son épouse, il décide de s’enrôler dans une équipe de travaux en partance pour de très reculées contrées en pleine montagne où doit être construit un barrage. Il décide en quelque sorte de s’enfuir de lui-même, espérant trouver dans l’ingrat labeur le chemin de la rédemption.
Quand après de longues journées de marche son équipe arrive enfin sur les lieux du futur chantier, l’étonnement est général. Encastré entre deux montagnes au creux d’une vallée où serpente un torrent, un curieux hameau d’une dizaine de maisons aux toits couverts d’une lourde mousse naturelle les attend. Loin de tout, découverte à peine quelques années auparavant à la suite d’un accident d’avion survenu à proximité, cette petite communauté, probablement composée de « descendants de bannis » murmure-t-on dans le groupe, s’apprête à vivre ses derniers jours puisqu’elle se trouve précisément en amont du barrage qui va être construit. Dès lors, ouvriers et habitants du hameau vont s’observer en chiens de faïence, cohabitant à distance sans jamais se parler, les premiers spéculant sur la réaction des seconds comme les travaux avancent, balançant entre moquerie et effroi devant cette population apparemment insignifiante, condamnée à disparaître, et pourtant d’une dignité qui force l’admiration.
Yoshimura nous offre un texte d’une beauté et d’une dimension mythologique qui n'est pas sans rappeler le Désert des tartares de Buzzati. Jouant de la tension avec art, il écrit un roman fascinant et fragile, sorte de fable écologique qui ne dit pas son nom.